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Quand le PSM sponsorise la soirée électorale sur les chaines de TV publiques et privées belondaures…
Encore une fois, les résultats des dernières élections sénatoriales auront démentis tous les sondages, qui, martelés par les grands medias, donnaient une victoire écrasante pour le PSM.
A l’arrivée, la liste Liberté(PSM) obtient la majorité absolue avec 52,38% des suffrages exprimés, soit 356 sièges sénatoriaux. La liste La Coalition du Progrès (alliance PST-UIP)arrive en seconde position avec 47,62% des suffrages exprimés, soit 323 sièges sénatoriaux.
L'abstention atteint 15,38% contre 20 % prévus.
Mais comme les voies des grands seigneurs cathodiques sont impénétrables, les soirées électorales, diffusées sur Canal Belondaure One(chaîne privée) et Belondaure Télévision 1, ne reflèteront pas le paysage politique réel issu des urnes.
Belondaure Television 1(comme Canal Belondaure One) avait commencé à publier un premier sondage, avant de se souvenir que le consul à l’intérieur-c'est-à-dire, son propre responsable( !)- avait interdit les sondages. De fait, l’émission en a été réduite à meubler dans l’attente des résultats officiels. Pour faire passer le temps, plusieurs éminents experts sont sollicités : Eddy Bultine, Politologue, qui, nous promet-on, est chargé d’analyser les enjeux de ces élections ; Marianne Deloys, critique politique censée parler des tendances et « décrypter les réactions des ténors des partis politiques » ; et Daniel Bertine, « politologue international », qui analysera « la vision de ces élections dans le micromonde ». Enfin, les envoyés spéciaux se feront l’écho des réactions provenant des QG des partis. De quoi appâter le public et donner une raison de rester sur la chaîne publique durant toute la soirée. Mais, hélas, le produit ne sera pas à la hauteur de l’emballage. Jugeons-en plutôt :
Invité à expliquer pourquoi « le peuple a voté en masse »(plus de 80 % se sont déplacés aux urnes), Eddy Bultine explique, en véritable expert que « le peuple vote pour (le) changement semble-t-il » (…)Les citoyens veulent que la politique change(…)leur mot d'ordre : renouveau. Ils veulent un changement radical de politique, c'est le signe fort que le peuple veut faire ressortir. ». Et ainsi de suite, l’explication de « plus de changement demandé par le peuple » est reprise en boucle comme une litanie, en guise d’argumentation et d’analyse.
Puis, le présentateur pose alors une question qui se veut pertinente, à l’image de la nature de l’émission :
-« Pouvez - vous nous dire,alors, quel parti vous choisiriez ? »
-« Et bien je choisirai le PSM, parce qu'ils ont une politique concréte de changement, et ce qui va vers la demande du citoyen, c'est à dire, une demande de changement. L'autre Parti n'a pas de projet réalisable, je veux dire par la , que le pays sera dans un crise économique grave si la coalition UIP-PST venait à gagner », répond Eddy Bultine.
Et encore bravo pour cette analyse objective ! Mais comment parler de changement quand les suffrages reconduisent les sortants, un parti déjà dominant aux précédentes élections et qui n’a pas spécialement brillé par son action ? Et chacun sait qu’il n’y a pas pire conservateur que celui qui réclame sans cesse le changement….Mais entendre une telle analyse de la part d’un expert censé être objectif sur une chaîne publique est déjà étonnant en soi, d’autant plus qu’aucun contradicteur n’a été opposé à monsieur Bultine….On aurait ainsi aimé voir débattre sur des questions de fonds les représentants des principaux partis de l’empire. Mais c’était sans doute trop exiger… « Pluralisme, débat : connaît pas », pourrait être la philosophie de la chaîne. La suite de l’ « émission » est à l’avenant. Dans l’attente des résultats, on meuble, sans se donner la peine de faire appel aux autres « experts ». On nous promet les résultats pour 22h00, en direct du consulat des Affaires Intérieures. Le correspondant Maurice Greece fait ce qu’il peut pour capter l’attention des téléspectateurs avec le peu dont il dispose- c'est-à-dire, rien : « La voiture du consulat est partie du Consulat des Affaires Intérieures en direction du palais imperial à 22h55 et va donc bientôt être de retour. Attendez une minute, ..... La voiture du consul revient justement maintenant et passe à l'instant derrière moi. Il va donc parler dans quelques minutes. »
Mais à terme, la déception sera au rendez-vous, puisque l’émission se termine sur ces derniers mots. On n’aura rien de plus : coupure de courant bénéfique ? Grêve du personnel, révolté par la nullité de la chaîne, ou souhaitant obtenir un titre de noblesse pour le consul à l’intérieur, Edmens Dantine ?
Sur la nouvelle chaîne privée, Canal Belondaure One, appartenant à François-Groupe, on a tout de même plus de chose à se mettre sous la dent. Mais curieusement, pour une chaîne qui affirme ne vouloir diffuser que de l’ « information brute », la soirée électorale prend également une teinte franchement monocolore et donc inodore….Une drôle de conception du débat pluraliste sur la nouvelle chaîne privée, à l’instar de ce qui se fait sur Belondaure Télévision 1...
Certes, nous ne sommes pas sur la chaîne publique, puisque le politologue de la chaîne, Mr Tyrio, tente une analyse un peu plus poussée de la campagne des différents partis : selon lui, le programme de l'alliance UIP/PST, orienté surtout sur le « tout sauf PSM », a été peu audible du fait de l'absence de meeting et de conférence de presse pour le relayer. L’expert oublie au passage la conférence de presse donnée par le duc de Braserel à ce sujet….
Quant au PSM, toujours selon monsieur Tyrio, il s’est « réveillé à la dernière minute », prenant subitement conscience de la menace de l'alliance UIP-PST. Il organise en catastrophe deux meetings dans deux grandes villes de l’empire et se décide enfin à faire part d’un programme en dernière minute, à la fin d'une conférence de presse. Comme quoi, mieux vaut tard que jamais et il n’y a que l’intention qui compte, sans doute. Dans ce cas, le sondage publié par la chaîne paraît incompréhensible : au milieu de la première journée de vote,
le PSM est annoncé comme arrivant en tête avec 77% des suffrages, suivi par l'alliance UIP-PST qui ne disposerait que de 22%. Il est difficile de croire à un tel score pour le PSM, alors que ce parti ne s’est pas donné beaucoup de mal à l’époque où il était au pouvoir et même encore pendant la campagne. On peut également s’interroger sur l’utilité et de la pertinence d’un tel sondage, quand on sait que seuls 34% de la population du Belondor ont été consulté et que le vote n’est pas encore terminé…. Heureusement, Canal Belondaure One se voit rappeler à l’ordre par le consulat aux affaires intérieures qui rappelle que, « pour le bien du peuple Belondaure et le respect de la vie d’autrui,il est interdit pour les médias de publier des sondages ou toute autre forme d'estimation, les journées d'élections ».
Contraints de modifier le cours de leur émission, les responsables de la soirée électorale se proposent alors d’interviewer des personnalités « non politique ». Mais là encore, il ne faut pas compter sur la chaîne privée pour offrir le pluralisme refusé par la chaîne publique et auquel chacun a droit. En guise d’analyse, nous n’avons droit qu’à une intervention de Son Excellence l'Evêque d'Ecosient, qui en profite pour inciter tous les Syistes à voter PSM car selon lui « seul le PSM pourra continuer à prôner le Syisme au Belondor ». Mais, nous n’entendrons aucune réaction de membre non politiquement attaché pour l'UIP-PST à ce moment. Faute de les avoir bien cherché ? En tout cas, aucun d’eux n’était sur Belondaure Télévision 1….
Le tir semble rectifié après l’annonce des résultats officiels, puisque « certains membres des partis politiques »(il y en aura en tout et pour tout deux : les représentants des deux grands partis) sont invités à commenter les élections. Mais là encore, le débat semble biaisé, puisque le duc de Braserel, leader du PST, se doit de répondre à des questions à sens unique :
-« Selon vous, qu'a été le force du PSM, comment ont ils pu vaincre deux partis(UIP/PST)?»
- « La force du PSM, c'est la continuité », répond monsieur de Braserel. « Il semblerait que le peuple ne soit pas encore prêt au changement. Ensuite, je ne prend pas cela pour une victoire : (le PSM) ne remporte ces élections qu'avec a peine plus de 52% des suffrages. Le "règne" PSM est fini. Certes cela reste assez pour avoir une majorité au Sénat, et je ne la conteste pas. Je ferais juste remarqué que la majorité diminue a chaque élections ».
Visiblement contrarié, le présentateur joue les instituteurs :
- « Il me semble que vous faites erreur : aux dernières élections le PSM avait battu tous ses records historique ».
En réalité, aux élections sénatoriales d'Amezzianel 2709, le PSM avait obtenu 57,14% des suffrages exprimés et gagné 387 sièges ; l’UDB : 28,57% des suffrages exprimés(soit 193 sièges) et le PBS : 14, 29% des suffrages exprimés(soit 97 sièges). Le PSM a donc fait moins bien, enregistrant un léger recul, certes, mais un recul tout de même, par rapport aux dernières élections. A noter la hausse du taux de participation qui passe de 68,19% à 84,62 % : les électeurs estimaient sans doute indécent que l’on martèle à coup de sondages répétés que les jeux étaient déjà faits…Il est notable de constater que ce fait n’a pas du tout été commenté par les medias télévisuels, lors des soirées électorales.
Le présentateur de l’émission ne saurait s’arrêter pour si peu et enchaîne sur une nouvelle question destinée à faire avancer le débat :
-« Que pensez vous quand le peuple dit "ils doivent se mettre a deux pour arriver a le déstabilisé" en parlant du PSM ? »
-« Que ce n'est pas une bonne partie du peuple que vous avez entendu », réplique du tac au tac le duc de Braserel. « Juste des personnes soutenant le PSM ».
Mais face au président du PST, qui se réjouit, dans sa défaite, de ce que le PSM n'ait « plus son écrasante majorité », le présentateur coupe court à cet enthousiasme propre à gâcher l’ambiance sur le plateau d’une émission électorale d’une chaîne pro-PSM :
-« Nous n'allons pas faire l'avenir ici. Le Belondor et le PSM en ont connu d'autres il me semble », dit l’animateur qui ne semble reconnaître de légitimité qu’à un seul parti.
« Que pensez-vous du travail du PSM ? » ajoute-il, comme s’il était incapable de se détacher un instant du seul parti syiste monarchique.
-« Les seules actions mémorables sont celles de Monsieur Nerym... et c'est loin d'être bon pour le Belondor », répond sans ambages le duc de Braserel, reprochant au nouveau gouvernement PSM de commettre « une deuxième fois la même erreur » en nommant monsieur Nérym à la tête de la diplomatie belondaure. A ce sujet, le leader du PST explique qu’il a refusé le poste de consul des affaires étrangères, le jugeant « sans grand intérêt au Belondor ». « Etant du domaine de Sa Majesté, il se peut que l'on m'oblige a faire ce dont je n'ai pas envie. Voilà pourquoi j'ai refusé. Et ceci m'aurait interdit d'être présent au Sénat. A choisir entre les deux. Je pourrais mieux aider les belondaures au Sénat qu'au Consulat », dit-il encore.
Le Comte Antonin de Hembourg, représentant du PSM, dont c’est le temps de parole, intervient à son tour : il reconnaît que si le PSM a gagné, il n'a plus son écrasante majorité, ce qui l’oblige à composer avec les autres partis. « Le pouvoir sera plus juste », dit-il, se réjouissant du renouvellement du personnel politique, « comme le Sieur Ito ». Commentant la nomination du Sieur Nérym, le comte explique, presque à regret, qu’il s’agit d’ « un choix de l'Empereur, presque une imposition. Nous ne pouvons donc rien y faire ». Mais, ajoute-t-il, « nous n'hésiteront pas à sanctionner le Sieur Nérym au moindre faux pas ».
Affirmant vouloir travailler en bonne intelligence avec le PSM au sénat, souhaitant voir plus de projets, le duc de Braserel entend, une fois de plus, nuancer la victoire du parti syiste :
-« Au risque de me répéter, le PSM n'a pas gagné. Il a perdu. L’UIP vient juste d'être créé, le PST est lui un peu plus vieux, mais pas aussi vieux que le PSM. Certes, il y a deux partis, mais ça marque bien la fin de l'ère PSM(…)La seule erreur, c'est Monsieur Nerym. La majorité au Sénat a encore le droit de refuser un Consul. Si celle ci le voulait vraiment.
La jeune constitution nous oblige à attendre avant un prochain vote de censure. Espérons que Monsieur Nerym utilisera ce répit pour enfin être performant ».
Mais le comte ne peut croire en la victoire de l’alliance UIP/PST, qui enregistre un score de 47% des voix pour les deux partis, et en la défaite de son propre camp : « ce n'est pas avec plus de 50% des voix que vous perdez », objecte-t-il avant de remercier « certains membres de l'UIP-PST qui ont eux accepté de travailler franchement avec(le PSM) », ainsi que les citoyens qui ont accordé leurs suffrages au parti syiste monarchique. « Nous ne les décevrons pas », assure le comte.
Et c’est sur ces paroles que se termine la soirée électorale sur la chaîne de François-Groupe..
Alors, certes, les téléspectateurs ont pu bénéficier d’une bien meilleure soirée électorale sur CB one que sur Belondaure Télévision 1. Mais le dénominateur commun entre chaîne publique et privée se trouve peut-être bien là : Plutôt que de favoriser l’équité, au risque de froisser l’éthique journalistique, et frustrant leurs téléspectateurs d’un débat pluraliste digne de ce nom, les chaînes préfèrent parler d’une seule voix. Et cette voix, les grands medias semblent l’avoir donnée au PSM. Mieux : ils lui offrent un véritable espace publicitaire, au point que la soirée électorale-que l’on zappe sur la chaîne publique ou privée- prenne une teinte PSM… Mais le fait que les dirigeants respectifs de ces chaînes fassent partie du PSM est sûrement une coïncidence… Le Parti syiste et monarchique, qui vient une fois de plus de l’emporter, mais de peu cette fois-ci, est au moins assuré de trouver des relais fidèles, dévoués corps et âmes pour marteler sa propagande. Pour sauver la démocratie, les belondaures devront-ils se débarrasser de leur téléviseur ?
(L'Impertinent, dimanche 24 juin 2007, numéro 13)